-Prince.
-Oui papa ?
-Tu es déçu de ton prénom, non ?
-Ah ça. Nous en avons beaucoup parlé. Et tu sais bien que je suis plus que déçu.
-J'ai peut-être une solution.
-Tu vas m'autoriser à changer de prénom légalement ?
-Pas que ça à foutre, je vais t'envoyer faire une quête.
-Hein quoi.
-Une quête, Prince, au terme de laquelle tu pourras te trouver toi-même. Du moins, je l'espère...
-C'est quoi ta quête. C'est pas encore retrouver les poules du village qui se sont échappées, j'espère ? Parce que ça, ça me soûle à un point pas possible.
-Non, ça c'est quand t'étais petit.
-Tu parles, y a trois jours encore...
-Ta gueule.
-Roooooh.
-Bon, voilà. Il existe un trésor qui permet de connaître tous les secrets et de les modifier. Tu pourras aussi modifier ton identité. Ça peut aller du patronyme à l'emploi, mais toi ce qui t'intéresse c'est juste le patronyme, je crois ?
-Bah évidemment, je vais pas renoncer à être prince, tout de même.
-Ben si, tu vas renoncer à être Prince, justement.
-Hein. Je quoi.
-Hey, quoi.
-Bon alors je le trouve comment, le fameux trésor ?
-Ah ça, fils, ça va être plus compliqué. Le trésor est loin, très loin... Il te faudra affronter de nombreuses épreuves, tuer de nombreux ennemis, aider de nombreuses veuves et de nombreux orphelins, avant d'atteindre la Grotte du Secret Ultime.
-Eh bah ça s'annonce bien. Et si je le trouve pas ?
-T'inquiète pas. Tous ceux qui ont essayé sont morts.
-Okay, génial.
-Au moins tu pourras pas dire que je t'aurais pas prévenu.
-Mais tu peux pas juste changer mon nom, putain ?
-Oh, tu causes un peu mieux à ton père, c'est pas comme ça qu'on t'a éduqué ! Et tu vas faire ta quête ! Ça te fera sortir un peu, fainéant !
-Rolalah, c'est bon, je vais la faire, ta foutue quête de merde. ET JE REVIENDRAI AVEC UN PRÉNOM TOUT NEUF.
-Ok.
-Bon j'y vais.
Putain il me soûle le vieux là. Vivement qu'il crève, que je sois seul sur le trône avec mon nom tout neuf. Je vais prendre un nom se terminant par "Ier", tiens, ce sera classe, et comme ça je pourrai donner le même nom à mon fils, histoire que ma lignée se perpétue. Si j'ai une fille je suis pas dans la merde, tiens. Mais bon j'aurai certainement un fils. Si je réussis la putain de quête, rien ne me sera impossible.
Hein quoi, ça vous fait chier que je dise putain tout le temps ? Vous avez cru quoi, que j'étais aussi ampoulé que le prince de Cendrillon ? Hahaha laissez-moi rire. Bon, me voilà sorti du château; sur le dos de Roger, mon fidèle destrier.
-En avant, Roger, nous partons en quête !
-Attends, Prince !
-Qu'est-ce qu'il y a encore, papa.
-Ben rien mais tu as oublié ton paquet de mouchoirs.
-Oh.
-Ah aussi, j'ai une information supplémentaire pour toi. Va à l'Ouest et enfonce toi dans la Forêt de l'Oubli Eternel, si tu te paumes pas en route tu devrais y rencontrer un puissant sorcier capable de t'aider.
... Mais il veut ma mort, ou quoi, ce vieux schnoque ?
-Okay papa, amuse-toi bien en mon absence.
-Tu sais très bien que je ne m'amuse pas, fils, j'ai encore toute cette montagne de paperasserie à remplir.
-C'est ça, c'est ça. Bon, au revoir.
Je suis parti, et au loin j'entends déjà mon père pénétrer dans la maison close en face du château. Pff. Si maman savait ça.
Bon, le voyage n'a présenté pour moi AUCUN intérêt. Il était d'un ennui mortel. Les gueux que j'ai pu croiser avaient une tronche de ploucs attardés. Tss. Je suis du haut peuple, moi, je ne fricote pas la basse vermine.
Ah, voilà un bois. C'est pas celui où je me dirige, mais ça fera toujours une pause "nature". Et puis je suis obligé de passer par là, de toutes façons.
Je suis toujours à cheval et Roger m'emmène dans le bois. C'est là qu'un élément improbable entre en scène.
-HALTE LÀ, VOYAGEUR.
-Pousse-toi, manant.
-Je ne suis pas un manant. JE SUIS PAUPAUL DES BOIS. Je détrousse les pauvres pour donner aux riches !
-Eh bien ça tombe bien, je suis riche.
-Donne 99% de ton argent. Tu deviendras pauvre. Je pourrai alors détrousser le reste dans la joie, la bonne humeur et la félicité.
-Oui mais à ce moment-là, à quel riche donnes-tu l'argent récolté ?
-Mais je suis déjà riche à la base, à force de détrousser les voyageurs. Donc je garde l'argent. Bon, maintenant, donne ton blé.
-Pfeuh. Tu es seul, désarmé, tandis que moi je suis à cheval et que je dispose d'une grosse épée vorpaline qui fait peur.
-Ouais mais moi j'ai la collection complète des cartes Dragons et Saltimbanques.
-Ouais mais moi je t'emmerde, en fait, laisse-moi passer.
-Tu ne peux passer nulle part ailleurs, tu sais, voyageur.
-Non mais je peux te contourner hein.
-J'ai foutu des pièges, tu sais. Je suis pas complètement con non plus.
*TCHAAAAC*
-MERDE, FOUTUS LAPINS, TOUS MES PIÈGES SONT À REFAIRE.
-Bon, je peux passer ?
-Euh, je suppose que oui.
-Ok, merci.
Pff, ce gueux m'a fait perdre du temps inutilement. Qu'il aille au Diable, j'ai une quête urgente à accomplir. Tiens, une tente. Et un panneau. Hmmm... "Issi voyensse é couki gratui"...
J'ai garé Roger dans le parking pour chevaux gratuit et je suis entré dans la tente. Les cookies me tentaient bien, même si l'orthographe était douteuse. Une vieille dame m'attendait.
-Je t'atttendais.
-Je sais, je viens de le dire dans la narration.
-Certes. Laisse-moi me présenter. Je suis... Mademoiselle Vaudou.
-Mademoiselle ?
-Je n'ai jamais été mariée, blanc-bec. Et je m'en porte bien. J'ai connu moultes histoires d'amour trépidantes, en revanche, mais si je te les racontais la censure ne le laisserait pas passer.
-Donc, ces cookies ?
-Oui, bien sûr, les cookies. Tu sais, le mieux, c'est de les supprimer.
-Pardon ?
-Oui, il faut aussi vider le cache.
-De quoi parlez-vous ?
-Oh excuse-moi, jeune homme, j'avais une interférence avec un autre monde. Une autre époque. Oui bien sûr, les cookies. Ils sont sur la table. Assieds-toi.
-Vous savez, je passe juste manger un morceau, hein.
-Je te dirai ton avenir. N'aie pas peur. C'est gratuit.
-Non mais je sais déjà ce que je vais vivre hein. Je vais vivre une aventure trépidante pour changer mon identité qui pue.
-Il faut pourtant que je te spoile. Pour ne pas contrarier les Dieux, tu sais.
-Hmmm, c'est tentant... Mais non merci.
-Alors laisse-moi te dire ceci : Dans l'éventualité où tu refuserais, tu seras rongé par le doute en sortant. Tu te demanderas si tu auras fait le bon choix. Et jamais, jamais plus tu ne pourras dormir.
-Euh, ok, j'accepte votre séance.
-Aaaah, on revient à la raison et on accepte de satisfaire aux petits plaisirs d'une vieille dame solitaire. Installe-toi, jeune homme, et prépare-toi à vivre quelque chose... D'intense.
Je me suis assis à la table. J'ai détaillé son visage. Elle avait dû en voir des vertes et des pas mûres, la vieille. Et maintenant elle était là, mystérieuse, prête à me dire mon avenir. J'ai ri intérieurement. Comme si c'était possible. HA HA HA.
-Je voooooooooiiiiiiiis que tu es en quête.
-Ouais.
-Tu es en quête de ton vrai toi.
-Ouais.
-Tu cherches des réponses.
-Nan. Je cherche à modifier quelque chose, hein.
-Ta gueule. Tu ne sais juste pas que tu cherches des réponses. Mais je t'assure que tu en cherches.
-Oh, si vous voulez, c'est vous la voyante, après tout.
-Tu vas en trouver... Mais elles ne risquent pas de te plaire.
-Vous voulez pas me les dire tout de suite ?
-Non.
-Pourquoi ?
-L'histoire serait finie. Ce ne serait pas amusant pour les lecteurs.
-Oh.
-Je suis déjà en train de leur révéler quelque chose de terrible dans ton ave... OH.
-Quoi ? Quoi ?
-Je vois ! Oui ! Je vois qu'en sortant ici tu vas te cogner la tête !
-N'importe quoi.
-Bon, j'ai fini. Bonne route, et... À très bientôt, Charmant.
Je m'étais déjà retourné quand elle avait dit "Bonne route." Je me suis de nouveau retourné.
-Hé ! Comment savez-vous mon...
Elle n'était plus là. D'un seul coup je me suis dit que ça faisait très glauque. Et surtout... Très cliché. Tsss. Ces vieilles harpies. Toutes les mêmes. Constatant qu'elle avait laissé les cookies, j'ai pris la boîte pour la route. Et puis je me suis dirigé vers la sortie.
Après c'est le trou noir. Je me suis retrouvé allongé par terre avec un bleu sur la tête. J'ai pas très bien compris ce qui m'était arrivé mais apparemment y avait une espèce de poutre mal placée.

Rah. Je suis enfin sorti de ce bois. J'ai fini les cookies. Y en avait pas assez mais bon, tant pis. Me voilà à présent aux portes d'un village. Bon, j'vais m'amuser avec la populace locale. Y a un garde à l'entrée qui n'a pas l'air fin.
-Holà manant, je te prie de me laisser passer.
-Z'êtes qui ?
-Charmant. Prince Charmant.
-Oh l'aut' hé ! Viens voir ça, Robert, y s'croit dans un conte de fées !
Un autre garde arrive. Son quotient intellectuel semble, à l'instar de celui de son collègue, proche du néant. Merveilleux.
-Ouais, de quoi qu'y s'agit-y donc, mon brave gaillard ?
-Je suis le Prince de cette contrée et je vous somme de me laisser passer sur le champ !
-Oah l'ôt', hé ! Passke c'est un prince ça s'croit tout permis ? Non mais mon gaillard, y a des règles partout hein. Contrôle d'identité. Vos papiers siouplaît.
Et c'est là que je réalise avec horreur que je n'ai pas pris mes papiers d'identité en partant. Crotte. Le voyage avait pourtant bien commencé.
[NDLA : Pour plus de compréhension les noms des protagonistes seront dorénavant indiqués]
Prince : Mais enfin, gueux, vous voyez bien que je suis plus noble que vous !
Robert : Veux pas l'savoir ! Papiers ! Exécution ! Ou sinon vous couch'rez dehors, moi ça m'dérange pas l'moins du monde, pas vrai Roger ?
Prince : Votre compagnon s'appelle comme mon cheval.
Robert : Ah si vous l'dîtes. C'est pas un nom qu'on donne à n'import'qui, hein mon Roro ?
Roger : Tu l'as dit bouffi.
Prince : Quoi qu'il en soit, veuillez me laisser passer.
Robert : Minute, vous v'nez d'la forêt présent'ment, non ?
Prince : Et ?
Robert : Eh ben, on raconte des trucs, v'savez. Apparemment y a eu un meurtre de lapin. Horrible. Vous savez kek chose ?
Prince : Ma foi, si c'est bien ce que je pense, j'y étais.
Robert : Hey Roger, on a ENFIN du neuf ! Vous pouvez passer, gars, on vous interrogera au centre de police !
... Bon au moins l'essentiel c'est que je passe. Mais si c'est pour passer la nuit dans un putain de commissariat de mes deux, c'est même pas la peine d'y songer. Je vais me payer une chambre au meilleur estaminet de ce village. Et quand je serai rentré et que j'aurai mieux que de l'argent de poche, j'achèterai l'estami... Non, mieux, j'achèterai le village ! Ces deux cancrelats seront à ma botte, et je leur ferai regretter le jour où ils ont rencontré le prince ex Prince Charmant !!
Mais... Mais ils me suivent ? PUTAIN DE BORDEL DE MERDE. J'aurai donc pas la paix !
Prince : Vous faîtes quoi, au juste ?
Robert : Ben, on vous accompagne au poste, évidemment. Vous êtes un témoin clé dans l'affaire de la mort du lapin.
Roger : Ouais mais vous en faîtes pas, on vous jett'ra en dehors de la ville quand vous aurez fini d'témoigner !
Réfléchis, Prince. Réfléchis. Tu peux trouver quelque chose pour te débarrasser de ces deux chieurs. Oh, ça y est.
Prince : Oh ! Regardez derrière vous ! Un singe à trois têtes !!
Roger : De quoi ?
Robert : Où ça ?
Ha ha ça a marché. Maintenant je mets les voiles.
Roger : ROBERT, LE PRISONNIER SE CASSE !!
Robert : Oh tant pis, laissons tomber. Allez viens, je te paye un coup.
Roger : T'es le meilleur !
Mais ? Ils me suivent pas ? Bon ben... Joie. Je vais prendre une chambre pour la nuit, maintenant, dans ce petit établissement, qui a l'air pas trop mal à première vue. Et donc c'est pourquoi j'entre dans "Le Trou du Q".
... Bon okay c'est minable. Je me suis payé une bière, elle était imbuvable, et en plus les danseuses n'ont aucun talent. Je crois que je ferai lapider le proprio à mon retour, en fait. Enfin LUI au moins m'a reconnu et m'offre les consommations et la chambre gratuites. Encore heureux, tiens.
Bref j'en ai ma claque, je vais dormir malgré cette odeur pestilentielle qui empeste dans tout l'établissement.
Demain sera un meilleur jour. Enfin, j'espère.